Bernard Poignant, maire de Quimper, en Bretagne, et président de la communauté de Quimper a publié ces deniers jours un article sur son blog. Une section de cet article concerne l'homoparentalité.
J'ai apporté une réponse à Monsieur Bernard que je lui ai adressée personnellement et que je rends public par ces lignes également.
Monsieur Poignant,
Je viens de prendre connaissance de votre billet du 12 décembre, consultable à l'adresse http://www.bernar.... Je vous contacte aujourd'hui afin de tenter d'apporter un éclairage nouveau à l'idée que vous vous faites de l'homoparentalité.
Avant d'avancer sur le sujet qui m'occupe, permettez-moi de m'arrêter un instant sur le lien que vous faites entre l'homoparentalité et la polygamie. Lien qui me parait surprenant, si ce n'est dérangeant. Dans un premier temps, je me demande s'il faudrait voir dans le lien que vous faites avec la polygamie un amalgame entre homosexualité et rapport multi-partenaires. Ce serait aller sur la voie d'un cliché qui ne concerne qu'une minorité des personnes homosexuelles, dans la même veine que d'imaginer systématiquement des relations intimes entre un patron d'entreprise et ses secrétaires. Cela existe, personne ne peut le nier, mais de là à généraliser ce serait un pas à ne pas franchir. Qui plus est en qualité de représentant élu du peuple. Quand bien même, si c'était le cas, il s'agirait de sexualité, une affaire qui concerne l'intimité d'adultes librement consentants et qui n'a aucun lien direct ou indirect avec les relations filiales entre un parent et ses enfants.
Dans un second temps, je me demande s'il s'agirait d'user d'un procéder de communication pervers qui consiste à parler à demi-mot d'une situation pour faire écho à une autre jugée inacceptable dans notre référentiel de valeurs pour ensuite inciter le lecteur à appliquer ce même jugement à une situation qui n'a pas de rapport direct avec la première. En clair, faire écho aux dérives d'une frange de musulmans intégristes - lesquels ont récemment fait polémique - en faisant appel à la polygamie pour orienter le jugement du lecteur et le conduire à assimiler l'homoparentalité comme une situation dangereuse qui embrigaderait des enfants. Je ne peux croire que telle serait votre intention. N'en demeure pas moins que ce rapprochement est d'une terrible maladresse qui, si on prend un peu de recul, consisterait à dire que finalement la polygamie est tolérable puisque personne ne demande à la légaliser, contrairement à l'homoparentalité qui serait animée d'un profond égoïsme.
Je passe cette maladresse et reviens désormais au fond de la question. Concernant l'idée que l'on se fait de l'accomplissement d'un enfant, j'entends votre avis qui voudrait qu'un enfant puisse s'épanouir mieux au sein d'une famille nucléaire composée d'un père et d'une mère qu'au sein d'une famille nucléaire composée de parents de même sexe. Je vous recommande la lecture de la thèse du Docteur Stéphane Nadaud qui vous apportera des connaissances nouvelles, tangibles, reposant sur des fondements solides et des méthodes scientifiques, lesquelles remplaceront une opinion qui ne repose que sur un avis et une vision purement personnelle. D'autres études réalisées en Europe et aux Etats-Unis confortent ces résultats de recherche.
Concernant l'idée qu'un enfant doit toujours savoir qu'il a ou a eu un père et une mère, je vous rejoins. Du moins partiellement. Vous ne faites pas la distinction entre l'aspect biologique de la filiation et l'aspect psychologique de la filiation. Il sera toujours possible d'expliquer à un enfant qu'il a un père et une mère biologique avec un vocabulaire adapté à son âge, que l'enfant est le fruit de l'union de ces deux parents biologiques. En ce qui concerne la filiation psychologique, celle-ci n'est pas nécessaire à l'épanouissement d'un enfant, lequel a une facilité d'adaptation pour trouver des références auprès d'autres adultes. L'enfermement d'un enfant au sein de la famille nucléaire aurait, elle, des conséquences notables. La famille, étendue aux frères, sœurs, cousins, cousines, amis et amies des parents est le terreau fertile à l'épanouissement de l'enfant.
A ce titre, vous parlez de l'adoption en occultant la faculté qu'ont les personnes célibataires à adopter. Les enfants qui se trouvent propulsés au sein de famille monoparentales illustrent parfaitement le propos : ce ne sont pas des enfants plus malheureux que d'autres, moins épanouis que d'autres. La différence se concentre sur le parent qui doit mobiliser davantage d'énergie, ne pouvant recourir au soutien du second parent, par essence inexistant. Vous faites erreur en indiquant que dans un couple d'homosexuels, seule une des personnes peut adopter car l'enfant doit savoir qu'il ne vient pas de deux pères ou de deux mères. Cet état de fait ne répond qu'à une réalité légale, formalisée par la loi, et non pas une réalité psychologique ou médicale ; l’État n'accorderait pas l'adoption à des célibataires si tel était le cas. Notez qu'une telle forme d'adoption était marginale et soumise à des craintes quant à l'équilibre de l'enfant. Elle est désormais commune et acceptée dans une société moderne en perpétuel mouvement. Notez d'ailleurs que, souvent, les enfants adoptés cherchent à connaitre qui sont leurs géniteurs, plus exactement leurs racines, sans pour autant leur donner le statut de parent, au sens éducatif.
Par ailleurs, l'adoption par des parents de même sexe n'induit pas de faire croire à un enfant qu'il est issu biologiquement de deux pères ou deux mères. Votre point de vue est ici réducteur et voudrait que l'on mente à ses enfants, lesquels connaitront nécessairement les mécanismes de la reproduction. Que l'adoption soit reconnue ou non par l'administration centrale ne change en rien la perception qu'un enfant peut avoir des adultes qui participent à son éducation au quotidien : ce sont ses parents. L'adoption par deux parents de même sexe répond à un besoin impérieux, en particulier en ce qui concerne l'exercice conjoint de l'autorité parentale, et apporte des solutions à des problèmes du quotidien d'ordre pratique dès lors qu'il s'agit, par exemple, de l'école où le parent de fait, écarté par la loi, ne peut pas légalement répondre aux sollicitations de l'administration scolaire. Fort heureusement, dans la pratique c'est généralement différent et l'administration adapte son comportement à l'évidence de la situation. A quelques exceptions près laissées au bon vouloir d'individus isolés, ce que l'ouverture de l'adoption conjointe par la loi viendrait à homogénéiser, évitant par la même des situations de discrimination dont les enfants sont victimes indirectes. C'est aussi le cas dans des situations plus graves, comme par exemple les accidents ou la maladie, où seul le parent légal peut donner son autorisation dans le cadre d'une intervention chirurgicale quand le parent de fait devrait être à même de répondre à ces questions qui concernent la santé de l'enfant. C'est enfin le cas dans le cadre d'une séparation du couple, la parent de fait ne pouvant se prévaloir d'aucun droit envers l'enfant, en particulier de visite et de garde alors même qu'il a accompli son devoir de parent, souvent pendant des années, parfois depuis la naissance. La séparation des parents est un moment difficile à vivre pour les enfants, plus encore lorsque la loi n'est pas en mesure de les protéger alors que le parent légal s'oppose à ce que l'enfant et le parent de fait puissent continuer à maintenir la relation qu'ils entretiennent depuis des années, parfois depuis toujours.
Les exemples de la vie quotidienne ne manquent pas. Je pense que vous n'aurez pas de difficulté à rencontrer des parents homosexuels dans votre commune et plus largement dans la communauté de commune que vous présidez, les villes Bretonnes ne faisant pas exception.
Fort de ces rappels, nous sommes d'accord sur un point : le modernisme ne consiste pas à épouser l'égoïsme du présent, mais à se préoccuper des intérêts de notre descendance. En ce sens, adapter les lois égoïstes présentes est faire preuve de modernité en faisant prévaloir l'intérêt de l'enfant à des idées qui ne sont plus en adéquation avec la société contemporaine.
Cordialement,